Je m'informe sur l'égalité
Parcours Les leviers de l'entreprise
Et si les freins étaient aussi dans nos têtes…
Dans le transport routier de marchandises, seulement 3 % des conducteur.trice.s sont des femmes.
- Pourquoi les métiers sont-ils sexués ?
- Qu'en est-il dans les transports routiers ?
- Pourquoi toujours aussi peu de conductrices alors que des changements importants s'opèrent dans la société ?
Cette rubrique permet de répondre ou d'éclairer ces différentes questions.
Les politiques publiques des années 1950-1960 pèsent encore sur les mentalités d’aujourd’hui. Les politiques publiques d’après-guerre, soucieuses de repeupler la France, ont distribué des rôles très sexués aux femmes et aux hommes.
>Les femmes étaient encouragées à retourner et rester au foyer
Leur mission consistait à veiller à la santé, l’hygiène et l’éducation des enfants, et à la tenue de la maison.
En complément des allocations familiales, une Allocation de Mère au Foyer (AMF) et une Allocation de Salaire Unique (ASU) étaient versées aux familles
Cette vision, encore très ancrée dans notre société, confinent les femmes dans des rôles spécifiques reliés par exemple à la maternité, à l’éducation des enfants ou aux relations interpersonnelles. Ainsi, une femme au volant d’un « mastodonte » ou d’une camionnette est en décalage avec cette image surannée des femmes.
> Les hommes étaient confortés dans leur rôle de chef de famille
Ils devaient subvenir aux besoins financiers de la famille. Ils étaient censés détenir l’autorité du foyer.
Les principes constitutionnels d’égalité en droit de tous les individus, femmes et hommes, sont longtemps restés lettre morte. Ainsi, en France, il a fallu attendre 1945 pour que les femmes aient le droit de vote et 1965 pour qu’elles aient le droit de détenir un compte bancaire ou d’exercer une profession sans l’autorisation de leur mari.
>L’éducation et l’orientation professionnelle des filles et des garçons peinent à s’affranchir des rôles sexués hérités du passé.
Pourquoi malgré des évolutions dans les rôles des femmes et des hommes dans notre société, les choix d’orientation des filles et des garçons demeurent-ils aussi différenciés et immuables ?
Il est difficile d’aller à l’encontre des modèles du féminin et du masculin que la société propose aux petites filles et aux petits garçons. Dès l’enfance nos représentations sont influencées par des stéréotypes.
Il est difficile de lutter contre les normes du masculin et du féminin quand on est « ado », alors que se joue l’orientation scolaire et se dessine l’orientation professionnelle.
Un projet scolaire et professionnel est toujours la projection d’une image de soi possible, d’une forme identitaire que l’on souhaite réaliser (ou qui peut servir à en éviter une autre). Faire un projet est donc une forme de création de soi : comment je m’imagine, comment je m’envisage ?
Nous nous représentons les formations et les professions à travers des personnes-types (prototypes) qui sont dans ces filières ou exercent ces professions et auxquelles nous attribuons des traits de personnalité, des compétences, des intérêts et valeurs professionnels, un style de vie, des caractéristiques physiques, etc. L’attrait pour une filière est souvent le résultat d’une identification à ces représentations que nous avons.
Il n’est donc pas étonnant que les femmes soient généralement minoritaires dans les formations de transport qui préparent à des métiers traditionnellement exercés par des hommes, et a fortiori dans les formations du transport de marchandises et de la logistique.
A lire : Filles et garçons sur le chemin de l'égalité, de l'école à l'enseignement supérieur
>Les femmes demeurent peu présentes dans les entreprises
En 2021, si les femmes sont majoritaires parmi les employés (62%), elles restent minoritaires dans les autres catégories socio-professionnelles, en particulier les cadres (30%).
Les chef.fe.s d’entreprises sont majoritairement des hommes. Lorsque ce sont des femmes, il s’agit le plus souvent de dirigeantes d’entreprises familiales.
De même, les postes de direction sont plus souvent exercés par les hommes.
Les métiers perçus historiquement comme physiques : conduite, manutention, maintenance des véhicules... sont très majoritairement exercés par les hommes.
Les femmes occupent majoritairement les métiers sédentaires ou dits « de bureaux » : Secrétariat, Comptabilité / Gestion, Exploitation, RH…
L’exercice des métiers du transport et de la logistique est connoté par de nombreux stéréotypes qui engendrent des freins en matière d’orientation, d’attractivité et de recrutement. Les métiers du transport et de la logistique sont souvent perçus comme demandant de la résistance physique, de la force (conduite, manutention des véhicules, charges lourdes…), un sacrifice sur sa vie personnelle (nombreux déplacements, horaires décalés…)
Et pourtant...
Prenons l’exemple du secteur des transports sanitaires où les femmes sont très présentes : l’ambulancier-ère accomplit des tâches qui relèvent a priori de registres divers : conduire, brancarder, pratiquer les gestes de premiers secours, assister le malade…
CERTAINES CROYANCES HERITÉES DU PASSÉ SONT DONC EN PARTIE DÉPASSÉES…
Huguette Durand, secrétaire de l’association la route au féminin, ex-routière et cheffe d’entreprise.
Avec plus de 40 ans d’expérience dans le secteur, Huguette est l’un des femme pionnière du secteur qui a vu le métier évoluer, notamment au sujet de l’acceptation des femmes dans le secteur.
Retour sur son histoire
Après avoir abandonné ses études d’anglais qui l’ennuyaient, et cumulé les petits boulots, elle s’inscrit à l’ANPE où elle se lance dans un stage de « Conducteurs poids lourds ».
Huguette nous raconte, que dès le départ, son parcours n’a pas été simple, puisqu’en 1977 lorsqu’elle se lance dans le secteur, elle doit faire face à des refus de la part de centres de formations qui rejettent sa candidature car elle est une femme. « Une femme au milieu des routiers, j’allais mettre le bazar ». Elle finit toutefois par être acceptée par un centre de formation à Perpignan.
Au passage de son permis, elle se rappelle que conduire un camion n’était pas simple, les outils d’aujourd’hui, tels que la direction assistée, n’existaient pas. Elle devait mettre un pied sur le tableau de bord pour prendre certains virages.
Une fois son permis poids lourds et son CAP de chauffeur routier en poche, elle a dû écumer les annonces et employeurs de la région pour trouver un poste dans un secteur où, à l’époque, les femmes étaient presque inexistantes (une trentaine de routières en 1978).
En 1984, elle crée avec sa sœur, l’entreprise de transport Lémi, nom issu de la fusion de leurs deux diminutifs « Lélé » pour Huguette et « Mimi » pour Monique. Dix ans plus tard, elle devient l’entreprise Les Transports Durand-Lémi après fusion avec l’entreprise de son mari.
Au fil de sa carrière, elle rencontre quelques femmes routières avec lesquelles elle entretient un réseau pour faire face à une solitude en tant que femme du secteur. Ainsi en 1993, il est décidé d’organiser un repas entre femmes. Depuis, chaque année, est organisé, un repas dans l’association qu’elle a créé avec une amie Annie Sedlegger, la route au féminin.
Et aujourd’hui ?
« C’était le matériel de l’époque qui rendait le métier compliqué. Ça n’a plus rien à voir aujourd’hui. Tout le monde peut conduire un camion, homme ou femme ».
Depuis 1978, le matériel a évolué, non pas selon elle, pour favoriser l’insertion des femmes dans le métier, mais pour dans un premier temps faciliter le travail des hommes qui en bénéficient :
« Tous les postes peuvent être adaptés ou pas, l’évolution du matériel n’est pas faite pour nous, les hommes en bénéficient aussi. Je me rappelle encore des hommes sur les anciennes savoyardes qui étaient en incapacité d’effectuer quoi que ce soit. »
Encore aujourd’hui peu représentées dans les métiers de la conduite PL, les femmes, bien qu’elles soient, selon Huguette, « plus vigilantes au volant », sont encore victimes de stéréotypes : « certains pensent encore qu’en tant que femmes, nous sommes dépassées par les choses lourdes, par le débâchage, la manutention lourde… », « on nous prend toujours pour des êtres fragiles, absentes 3 jours tous les 28 jours ».
Alors qu’en réalité, pour Huguette, femme, ou homme, une compétence c’est une compétence. Les compétences ne sont pas genrées.
« Une femme comme un homme peut changer une roue, et encore de nos jours on ne change plus de roues ».
Malheureusement encore aujourd’hui, Huguette constate que le métier souffre encore de sa vielle réputation et d’apriori infondés. « Je suis maintenant une femme de 66 ans, je grimpe encore dans des camions, je vois cela de loin, j’organise des repas dans l’association. Je constate encore du rejet masculin car on leur fait se poser des questions désagréables sur leur supériorité. Quelques-uns en sont restés là… ».
En étant une femme dans le secteur, elle explique qu’aujourd’hui les remarques sont moins franches qu’il y a plusieurs années, mais que les femmes doivent encore et sans cesse faire preuve de leurs capacités et de leurs compétences, contrairement aux hommes.
« Nous avons tous nos particularités. Pour beaucoup de clients c’est un atout d’avoir une femme, mais parfois les clients sont apeurés, dans ce cas il faut être très pro. Il faut rassurer les clients… Nous devons jouer le rôle ».
« Les femmes doivent toujours prouver plus, il faut être meilleures, nous n’avons pas le droit à l’erreur pour être considérées à égal. On ne nous pardonnera rien… »
« Avant il y avait le domaine de la mécanique, à présent cela est simplifié. Dans un garage on me prenait pour une quiche, alors que j’avais fait une formation de 6 mois de mécanique… Ces attitudes ou remarques ne seraient jamais tenues devant un homme ».
A valeurs égales, compétences égales, salaires égaux. Encore aujourd’hui, elle explique se battre pour la mixité ; bien que les femmes aient les mêmes droits, l’égalité n’est pas encore atteinte.
Et dans votre entreprise y-a-t-il des femmes ?
Dans notre entreprise, les femmes viennent d’elles-mêmes, je suis dans l’entreprise depuis longtemps, les femmes sont venues de suite ».
Y-a-t-il des démarches de sensibilisation faite pour l’intégration des femmes dans votre entreprise ?
« Les salariés sont sensibilisés d’office, car nous sommes présentes dans l’entreprise. Nous sommes des routières d’expérience, c’est tellement normal, ce n’est pas un sujet de discussion. Les femmes ça roulent aussi, point. »
« Chez Durand Lémi, les femmes sont ancrées dans la culture d’entreprise. Sur une entreprise de 15 salariés, nous sommes monté à 5- 6 femmes. La plupart sont restées. Il faut mettre en avant la place des femmes ! ».
« La route est un espace à partager » !
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